L’Azerbaïdjan, voisin indésirable du Caucase

L’information selon laquelle le président de l’Azerbaïdjan, Ilham Aliev, serait alité et n’a fait aucune apparition publique depuis deux semaines ne dérange pas trop ses concitoyens, car leur appareil gouvernemental est sur le pilote automatique; Il est téléguidé d’Ankara et poursuit la politique du grand frère.
En effet, Ankara, en particulier sous la présidence de Recep Tayyip Erdogan, s’est tournée vers les territoires de ses voisins. Après avoir occupé 38% de Chypre, la Turquie s’est impliquée dans le saccage et la mainmise de terres en Irak et en Syrie.
De même, après avoir occupé le territoire historiquement arménien du Nakhitchevan, l’Azerbaïdjan a pris pour cible l’Artzakh et, très récemment, certaines régions de la Géorgie. Le deuxième président azéri, Abdoulfaz Elchibay, s’était fixé pour objectif d’avaler le nord de l’Iran (la province iranienne d’Azerbaïdjan); Ce rêve est toujours d’actualité et se trouve actuellement au centre de certains plans stratégiques des États-Unis et d’Israël.

La Turquie et l’Iran sont depuis toujours des concurrents et des ennemis dans le Caucase et cet antagonisme latent est toujours d’actualité.
Aujourd’hui, les ambitions de la Turquie dans le Caucase cadrent parfaitement avec son statut de membre de l’OTAN. L’intensification récente de l’armée au Nakhitchevan étend le pouvoir de l’OTAN aux frontières de l’Iran. En substance, la militarisation du Nakhitchevan coïncide également avec le plan des États-Unis visant à contenir l’influence de la Russie dans la région.
Il peut sembler étrange que la Russie et la Turquie soient en harmonie politique sur le territoire syrien et qu’elles soient parallèlement en désaccord dans le Caucase. C’est le paradigme des fragmentations politiques de l’après-guerre froide; alors que l’Union soviétique était une superpuissance, les divisions politiques dans le monde avaient une inclinaison idéologique. À la suite de l’effondrement de l’empire soviétique, les grandes puissances ont microgéré leurs stratégies régionales. Même les États-Unis ont souscrit à la politique turque consistant à inscrire le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) sur la liste des organisations terroristes, tout en soutenant les mêmes alliés kurdes sur le territoire syrien, au grand dam d’Ankara.
En moins d’une semaine, le ministère des Affaires étrangères de l’Azerbaïdjan a officiellement démenti deux accusations selon lesquelles les États-Unis auraient installé des drones israéliens dans le pays, destinés à être utilisés contre l’Irak et l’Iran. Les preuves de ces drones israéliens ont été publiées dans un journal libanais. Indépendamment des dénégations, il n’y a pas de fumée sans un minimum de feu.
Téhéran a déposé une protestation diplomatique contre Bakou à ce sujet.
Ce n’est un secret pour personne que l’Azerbaïdjan a utilisé des drones israéliens contre les forces arméniennes et il n’y a aucune raison pour qu’il s’abstienne de les utiliser contre l’Iran. En fait, la dernière fois, c’était il y a exactement un an lorsque le fabricant de drones israélien Aeronautics a lancé l’Orbiter 1K à la demande du gouvernement azerbaïdjanais en direction de la frontière arménienne, faisant deux blessés parmi les soldats arméniens.
En outre, le président Aliev, se référant à l’achat de 5 milliards de dollars de matériel militaire à Israël, s’est vanté du fait que 95% de la coopération israélo-azérie se déroulait sous la surface.
De temps en temps, le gouvernement azéri démontre sa méfiance inhérente envers la communauté chiite du pays, qui a prêté allégeance à l’Iran. Le gouvernement de Téhéran, tout en maintenant une position neutre dans la région, entretient des soupçons face au gouvernement de Bakou. C’est la raison pour laquelle il retarde l’application du régime des visas et a également mis fin aux projets de liaison ferroviaire entre les deux pays.
Il est tout à fait possible que le Nakhitchevan serve également de lieu de stationnement pour le système de missiles défensifs S-400 que la Turquie a acheté à la Russie malgré les vives objections de Washington.

Cependant, le secrétaire d’État américain Mike Pompeo, ignorant tous les appels pour écarter la Turquie de l’alliance de l’OTAN, a offert un artifice à Ankara, lui demandant de ne pas utiliser le système momentanément, afin de bénéficier d’une dispense de sanctions. Voilà pourquoi ces systèmes pourraient aboutir au Nakhitchevan, à quelques kilomètres de la capitale arménienne, Erévan. Au fil du temps, Erdogan a appris que sa frénésie avec d’autres membres de l’OTAN porterait fruit et qu’il serait capable de déguster son gâteau.
Pendant ce temps, l’Azerbaïdjan a des problèmes avec son voisin géorgien. Depuis l’effondrement de l’Union soviétique, les deux pays coopéraient pour contourner l’Arménie au niveau régional. Lors d’une visite à Bakou, l’ancien Président Mikhaïl Saakachvili avait annoncé que l’ennemi de l’Azerbaïdjan était aussi l’ennemi de la Géorgie. À l’heure actuelle, cependant, bien que le gouvernement de Tbilissi ait tenté de maintenir une politique de coopération en participant à des exercices militaires impliquant la Turquie et l’Azerbaïdjan, elle a commencé à manifester un certain malaise en raison des revendications territoriales de l’Azerbaïdjan et de la présence écrasante de la Turquie dans la région d’Adar en Géorgie.
Des informations ont récemment rapporté que l’Azerbaïdjan avait stationné ses forces dans la région du pont rouge, du côté géorgien. L’Azerbaïdjan a également interdit à des pèlerins géorgiens de se rendre au monastère de David Gareja, qui demeure un site historique contesté entre les deux pays. Ajoutant l’insulte aux blessures, l’Académie des sciences de l’Azerbaïdjan a affirmé que la pointe sud-est de la Géorgie était territoire azerbaïdjanais. Le gouvernement de Tbilissi a essayé de résoudre ces problèmes en silence, mais en vain. Au cours de la guerre de 2008 entre la Géorgie et la Russie, le gouvernement de Tbilissi avait mis ses espoirs sur les États-Unis et l’OTAN, qui n’ont offert que des services de pure forme. Aujourd’hui, les Géorgiens savent qu’ils demeureront seuls si le conflit avec l’Azerbaïdjan s’intensifiait.
La Géorgie est également alarmée par le fait que la ville portuaire de Batoumi est en train de devenir progressivement une ville azerbaïdjanaise et turque. La Turquie a lourdement investi dans l’infrastructure économique de la région, en particulier dans l’industrie touristique.
Incidemment, le Traité de Kars de 1921 stipulait que la Turquie devrait avoir droit au libre transport des marchandises et des personnes sans aucun droit de douane. La Turquie a repris cette revendication après la chute de l’URSS en colonisant la province géorgienne d’Adjarie, tout en niant ce même droit accordé à l’Arménie, mais promis dans le même traité, en Turquie.
Tbilissi a récemment modéré sa politique vis-à-vis d’Erévan, s’attendant non seulement à un meilleur traitement de la part du gouvernement Pachinian, mais également se rendant compte que l’étreinte turco-azerbaïdjanaise était devenue trop suffocante. Erévan a atténué certaines des tensions qui séparaient Tbilissi de Moscou.
Le gouvernement arménien continue également de servir de liaison diplomatique avec Moscou pour résoudre certains problèmes de transferts commerciaux.
Après son arrivée au pouvoir, Pachinian a effectué son premier voyage hors du pays en Géorgie, ce qui a peut-être porté ses fruits.
Le gouvernement arménien cherche également à établir un partenariat iranien avec les États de l’Union économique eurasienne (UEE). Durant longtemps, Moscou a tenté d’attirer d’autres pays voisins pour qu’ils coopèrent avec cette union économique. En effet, le Premier ministre arménien a invité le président Hassan Rouhani, qui se rendra à Erévan le 1er octobre, pour participer à la réunion du Conseil économique eurasien. Ainsi, Erévan servira de relais pour d’autres partenaires dans ce club économique. Cela convient également à Moscou.
Face à l’agitation en Géorgie et l’Iran, l’Azerbaïdjan est devenu le paria de la région. Ses relations avec l’Arménie sont pour le moins tendues depuis la guerre du Karabagh.
Le gouvernement de Bakou a été encouragé par son association avec Ankara et cette situation ne laisse présager d’aucune issue pacifique pour le Caucase dans un avenir proche.

Traduction N.P.