À la suite des attaques azerbaïdjanaises du 13 septembre contre l’Arménie, qui ont fait plus de 200 victimes et l’occupation d’une partie du territoire arménien, une intense activité diplomatique a eu lieu.
Le département d’État américain et le président français Emmanuel Macron ont diffusé des déclarations sévères accusant l’Azerbaïdjan d’agresseur et appelant au retrait de ses forces du territoire souverain de l’Arménie. Cette position a injecté une certaine assurance dans la diplomatie arménienne ; ainsi le ministre des Affaires étrangères Ararat Mirzoyan a pris à partie son homologue russe, Sergueï Lavrov, exigeant du Kremlin une position claire sur la situation.
Le Premier ministre Nikol Pachinian a également blâmé la position passive de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) dirigée par la Russie, qui est censée défendre ses membres contre une agression étrangère.
Ces actions ont été accompagnées de quelques sommets à Bruxelles et à Prague, ainsi que de visites de haut niveau de délégations en Arménie, qui ont abouti à des actions concrètes.
À la suite de ces développements, l’Union européenne (UE) a dépêché un contingent de 40 observateurs civils pour observer les dégâts causés par les attaques militaires de l’Azerbaïdjan contre les villes frontalières d’Arménie. L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a également pris l’initiative d’envoyer un groupe technique à la frontière, en prévision de l’arrivée d’un groupe d’observation à grande échelle.
Alors que la médiation occidentale commençait à progresser, la Russie a senti que l’Occident essayait de l’expulser du Caucase, comme l’a déclaré Maria Zakharova, porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères. Du fait de sa guerre en Ukraine, la Russie a perdu son ancrage singulier dans le Caucase et son impuissance face à l’évolution des événements ne pouvait plus soutenir son règne sur le territoire.
La Russie n’a pas grand-chose à offrir aux belligérants. Le mieux qu’elle pouvait faire était de concevoir un mouvement tactique pour ramener les parties dans son giron. Par conséquent, le président Poutine a offert un appât très douteux à l’Arménie dans une déclaration faite devant le Club de discussion Valdaï.
Il a déclaré : « Autant que je sache, la soi-disant variante de Washington envisage la reconnaissance de la souveraineté de l’Azerbaïdjan sur le Karabagh dans son ensemble. Si l’Arménie le pense, eh bien, pas de problème. Nous soutiendrons tout choix du peuple arménien. Si le peuple et les dirigeants arméniens pensent que le Karabagh a ses propres spécificités et que ces spécificités doivent être prises en compte, définies dans un futur traité de paix, cela est également possible, mais nous avons besoin du consentement de l’Azerbaïdjan, ce qui est très difficile à obtenir. »
Bien sûr, le hic est dans la dernière phrase ; si finalement Moscou ne respecte pas sa promesse, c’est toujours l’Azerbaïdjan qui sera blâmé.
C’était une déclaration des plus malhonnêtes; le département d’État a réagi, accusant Poutine de faire de la « désinformation ». Le porte-parole Ned Price n’est pas allé jusqu’à admettre l’existence d’un plan de Washington. Très probablement, le plan auquel Washington fait allusion est la position du groupe de Minsk de l’OSCE, qui appelle à régler le conflit du Karabagh par des négociations pacifiques, tout en tenant compte des principes d’intégrité territoriale et du droit des peuples à l’autodétermination.
Ce que Moscou a proposé jusqu’à présent, c’est que le Karabagh soit un territoire de l’Azerbaïdjan et que le règlement de son statut soit remis à une date ultérieure indéfinie.
Nikol Pachinian a pris le président Poutine au mot et a déclaré qu’il acceptait la proposition russe et a assisté au sommet de Sotchi le 31 octobre, où le président Ilham Aliev a rejeté d’emblée la question du Karabagh. « Il n’y a plus de conflit du Karabagh. Cela a été résolu il y a deux ans. Il est maintenant temps de négocier un traité de paix avec l’Arménie et nous apprécions votre médiation », a-t-il dit, alors que Poutine le regardait d’un air maussade.
Pour en revenir à l’initiative jalouse de la Russie, il faut également analyser un autre facteur. Bien que les intérêts russes et iraniens coïncident sur certaines questions, cette fois-ci, l’offre de Téhéran semblait plus alléchante et a un impact sur les préoccupations de la Russie. En effet, le ministre iranien des Affaires étrangères Hossein Amir- Abdollahian s’est rendu à Syounik à l’occasion de l’ouverture du consulat iranien de Kapan. Lors de l’inauguration, il a déclaré que « la sécurité de l’Arménie est la sécurité de l’Iran ».
Avant d’arriver à Kapan, il avait réitéré la déclaration du président Ebrahim Raisi et du chef spirituel Ali Khamanei selon laquelle tout changement de frontière dans la région est une ligne rouge pour l’Iran. Ces déclarations ont été précédées de jeux de guerre à la frontière irano-azerbaïdjanaise.
La position de l’Iran est motivée par deux facteurs. Premièrement, les visites des ministres de la défense turc et israélien, en plus de celle du ministre saoudien des affaires étrangères, en Azerbaïdjan, complotant manifestement contre Téhéran. L’autre facteur a été l’arrivée d’observateurs européens dans la région, qui pourraient également avoir dans le cadre de leurs intentions de jeter un coup d’œil à travers la frontière iranienne.
A l’issue du sommet de Sotchi, les parties n’ont fait aucune déclaration individuelle. Au lieu de cela, un communiqué conjoint a été publié, ressassant toutes les déclarations et rhétoriques antérieures. Le communiqué appelle la Russie, l’Arménie et l’Azerbaïdjan à respecter les accords du 9 novembre 2020, du 11 janvier et du 26 novembre 2021.
La déclaration a solennellement honoré les forces russes de maintien de la paix. Ils ont convenu de s’abstenir de recourir à la force ou à la menace de la force, de discuter et de résoudre toutes les questions problématiques exclusivement sur la base de la reconnaissance mutuelle de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’inviolabilité des frontières, conformément à la Charte des Nations unies et à la Déclaration d’Alma-Ata de 1991.
Ces mêmes mots ont été utilisés encore et encore, en vain.
Le sommet n’a pas fait avancer le conflit vers une résolution parce qu’il y a des principes sous-jacents et des intérêts des parties qui remplacent toutes les bonnes intentions contenues dans ces documents.
Si quelque chose de bon est ressorti de ce sommet pour l’Arménie, c’est que Pachinian a affirmé sa position devant les médias, mettant le président Poutine sur la défensive. Il a demandé la mise en œuvre intégrale de l’accord du 9 novembre, qui appelle à la libération de tous les prisonniers de guerre, et a demandé le retrait des forces d’occupation azerbaïdjanaises du territoire arménien. Il a également clarifié sa position sur la question du corridor, refusant tout compromis sur le territoire souverain de l’Arménie.
Ce sommet s’est avéré être un stratagème du président Poutine pour retarder que l’Arménie ne se rapproche de l’Occident. Il n’est pas dans l’intérêt de la Russie de résoudre ce conflit, car cela déplacerait les casques bleus russes hors de la zone, ce qui réduirait alors l’influence de Moscou sur l’Arménie et l’Azerbaïdjan.
Pour l’Azerbaïdjan, la haine envers l’Arménie est un outil nécessaire pour maintenir au pouvoir son régime autoritaire, qui est de plus en plus impopulaire. La société azerbaïdjanaise s’agite au vu du style de vie opulent du clan Aliev ; Une propriété de 700 millions de dollars à Londres et la course aux armements qui a un impact sur les moyens de subsistance de la population. Jusqu’à présent, l’Azerbaïdjan a refusé de révéler ses pertes durant la guerre de 44 jours. Selon certaines estimations, c’est plus du double des 4 000 morts de l’Arménie. Et les familles de tous ces shahids (martyrs) en veulent aux conflits intéressés d’Aliev.
Incidemment, la bande vidéo d’un général azerbaïdjanais tué pendant la guerre de 44 jours a été récemment diffusée, qui montre sa crainte que l’armée azerbaïdjanaise ne puisse gagner la guerre sans la participation active de la Turquie.
Les contrôleurs à la frontière pourraient retenir l’Azerbaïdjan pendant un certain temps, période pendant laquelle l’Arménie aura la lourde tâche de reconstruire ses forces armées et de développer sa politique étrangère multilatérale.
Il n’y a rien de prometteur à être piégé dans la sphère d’influence de la Russie. Edmond Y. Azadian
Traduction N.P.