Alors que nombreux sont les Arméniens qui repoussent les conclaves de la Diaspora arménienne, dont le sixième aura lieu du 18 au 20 septembre 2017, 1 700 Arméniens du monde entier s’y sont inscrits. Cela signifie que nombreux sont ceux qui trouvent une certaine importance à participer à ces rassemblements. Mais la vérité se situe entre les deux.
Ceux qui ont contribué financièrement de manière substantielle à aider l’Arménie participent rarement à ces conclaves – des bienfaiteurs qui ont remis des millions, des experts en technologie, des entrepreneurs prospères qui ont mis en place des projets en Arménie, des écrivains respectés, des artistes et créateurs qui ont atteint une certaine notoriété mondiale, des personnes d’origine arménienne qui occupent des postes gouvernementaux à l’étranger, des vedettes célèbres et des médias étrangers.
Les organisateurs devraient cibler ces catégories de personnes plutôt que de tenir un forum ouvert à tous. Les participants abordent les domaines ci-dessus – et ils parlent beaucoup. Les acteurs ne sont pas là, mais les locuteurs sont très nombreux.
Il ne s’agit pas ici d’aborder le problème avec sarcasme, car la valeur cognitive de l’entreprise est importante. Depuis l’effondrement de l’Empire soviétique, les Arméniens tant d’Arménie que de diaspora ont entrepris la difficile tâche de se connaître et de créer ainsi un niveau commun de compréhension et de coopération afin d’aider la patrie et utiliser cette patrie comme ressource pour préserver et régénérer leur identité. C’est pourquoi les organisateurs du conclave ont adopté une devise qui se traduit par : « Confiance mutuelle, unité et responsabilité ». Ce but implique certainement qu’il y ait encore un raffermissement de la confiance mutuelle.
Le rassemblement de deux jours propose un programme ambitieux et bien structuré dans les domaines suivants :
I. Les principaux objectifs pour le développement de l’Arménie. Ce sujet comprend les investissements étrangers, la promotion du tourisme et la coopération entre les entreprises ;
II. Les problèmes de sécurité face aux défis modernes – l’accent est mis sur la défense de l’Arménie ainsi que le problème des villes et des villages frontaliers ;
III. La politique étrangère de l’Arménie, dont le conflit du Karabagh et la reconnaissance internationale du génocide arménien ;
IV. La préservation de l’identité arménienne à travers la langue, la littérature et la culture.
Il est impératif que les Arméniens de la diaspora prennent conscience des problèmes qui affligent l’Arménie, car cette diaspora peut être en mesure de contribuer de manière significative si elle est bien informée. La défense est une question de vie et de mort pour l’Arménie, mais la diaspora n’a pas les moyens de contribuer à l’immense besoin en raison de ses ressources limitées.
Quant aux investissements étrangers, la balle est dans la cour du gouvernement arménien. Parce que, depuis l’indépendance de l’Arménie, de nombreux Arméniens de la diaspora, inspirés par le patriotisme, se sont précipités pour créer des entreprises ou investir dans l’économie locale, mais n’ont réussi qu’à être frustrés. Chacune des administrations successives s’est engagée à améliorer la situation, en vain. La corruption, le copinage, la fiscalité injuste et le vol absolu ont rendu le patriotisme des Arméniens de la diaspora une farce.
Le capital étranger et les investissements ne reconnaissent pas le patriotisme. Si un terrain de jeu égal était offert à tous, et qu’aucun parti n’était au-dessus des lois, non seulement les Arméniens patriotiques pourraient contribuer et investir, mais les capitaux étrangers graviteraient également vers l’Arménie.
Malheureusement, les investissements se font rares parce que beaucoup agissent au détriment de l’économie arménienne.
Tous ces problèmes peuvent être débattus, analysés et donneront peut-être un résultat positif dans les régions touchées par le conclave.
En ce qui concerne la politique étrangère de l’Arménie, la diaspora devrait et peut contribuer si elle s’organise et se politise. Les Arméniens ont des ressources appréciables dans les pays occidentaux qui n’ont pas encore été utilisées. L’Arménie peut aider à fournir des directives, mais la principale responsabilité demeure le leadership de la diaspora.
Pourtant, le succès ne viendra que lorsque le rassemblement trouvera des solutions à deux problèmes essentiels : élaborer une politique gouvernementale visant à arrêter l’émigration, et former un conseil pan-arménien comprenant des représentants de l’Arménie et de la diaspora afin de tracer un parcours réaliste pour développer la confiance mutuelle et la coopération ayant pour objectif l’avenir de l’Arménie. Cela défie la logique : pourquoi un soldat sacrifierait-il sa vie à la frontière d’un territoire que la population quitte en masse ?
La Turquie et l’Azerbaïdjan ont créé le blocus de l’Arménie et effrayent la population par une guerre. Le gouvernement contribue par négligence à l’hémorragie en ne développant pas une politique efficace pour encourager ses citoyens à rester et espérer un avenir plus prometteur. Si un gardien de la frontière met sa vie en danger, ou si un Arménien de la diaspora décide d’investir dans l’économie, il incombe au fonctionnaire du gouvernement de refuser des pots-de-vin, d’éliminer les impôts injustes et de rétablir l’état de droit dans le pays.
L’ennemi ne se borne pas à détruire l’Arménie. Si le gouvernement à tous les niveaux ne parvient pas à prendre des mesures drastiques pour mettre en œuvre une politique viable, l’Arménie ne pourra éviter le dépeuplement et la destruction. La situation est dramatiquement grave.
L’autre question cruciale est la formation d’un conseil pan-arménien pour réglementer les relations entre l’Arménie et la diaspora.
Jusqu’à présent, l’Arménie a peu de considération face aux pouvoirs et valeurs de la diaspora et l’espoir a été placé en des individus et des organismes peu crédibles. Les vrais acteurs de la diaspora peuvent ne pas se trouver parmi les participants du conclave, mais il incombe au gouvernement arménien de les identifier et d’en faire la promotion.
Le partage du pouvoir de la coalition actuelle repose sur de mauvaises hypothèses et des prémisses. Si les mêmes mesures et les mêmes valeurs sont utilisées pour former un conseil pan-arménien, l’échec est garanti. L’idée maitresse doit être inclusive ; tous les partis et groupes doivent se sentir à l’aise, il ne s’agit pas d’un concours de popularité, et les choix ne seront pas faciles.
Traditionnellement, ces conclaves se déroulent parallèlement à des réceptions somptueuses, des décorations et des divertissements. Si ce divertissement ne se confond pas avec le véritable travail et les progrès, le conclave aura franchi une étape importante.
Edmond Y. Azadian
Traduction N.P.