Un sommet Pachinian – Aliev est-il imminent ?

Éditorial écrit en anglais par Edmond Y. Azadian et publié dans The Armenian Mirror-Spectator en date du 7 mars 2019

À la suite de leur visite à Erévan et à Bakou, les coprésidents du groupe de Minsk de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), représentant la Russie, les États-Unis et la France, ont annoncé qu’un sommet entre le Premier ministre arménien Nikol Pachinian et le président azéri Ilham Aliev était en vue.
Auparavant, l’Arménie et l’Azerbaïdjan avaient été conseillés de préparer leurs populations respectives à la paix, ce qui signifiait qu’un compromis était convenu, obligeant les parties à accepter des concessions douloureuses.
Alors que l’optimisme se consolide dans la région à travers les annonces des grandes puissances, leurs perspectives optimistes ne sont pas corroborées par les autorités de Bakou. En effet, la porte-parole du ministère azerbaïdjanais des Affaires étrangères, Layla Abdoullayeva, a déclaré que ces prochaines réunions devaient garantir la libération des « territoires occupés et le retour des Azerbaïdjanais exilés chez eux ».
Ce type d’annonce ne fait qu’atténuer les espoirs d’un règlement pacifique.
Comme si cette déclaration unilatérale ne suffisait pas, Ilham Aliev lui-même a ressenti le besoin de faire une annonce encore plus incendiaire, affirmant que l’Azerbaïdjan est aujourd’hui plus puissant politiquement et militairement et est en mesure de régler le conflit en sa faveur.
À son tour, lors de son récent voyage en Iran, Pachinian a déclaré que l’Arménie était prête à résoudre le conflit de manière pacifique, mais qu’en raison de la rhétorique belliqueuse d’Aliev, si Bakou avait recours à la force, l’Arménie serait prête à réagir.
Bien que l’OSCE et d’autres puissances régionales s’emploient à créer un climat de paix, les parties au conflit en sont très éloignées.
Depuis son arrivée au pouvoir, M. Pachinian tente de relancer un autre programme, actif jusqu’au terme du mandat du Président Robert Kotcharian, à savoir la participation d’un représentant du Karabagh aux négociations.
Bakou est fermement opposé à cette idée. « Le format des négociations du conflit du Karabagh est fixé et ne peut être changé », a annoncé Hikmet Hajiyev, président de la Commission présidentielle pour les affaires étrangères, puis a conclu : « Les tentatives du gouvernement arménien de changer le format des négociations ne mènent que vers une impasse. »
La logique de Pachinian d’inviter les représentants du Karabagh à la table des négociations est qu’il ne peut lui-même le représenter, car les habitants de cette région n’ont pas voté pour lui et ne lui ont donc pas donné de mandat de négociation en leur nom.
L’Azerbaïdjan propose une variante cynique à cette logique. Étant donné que les Arméniens du Karabagh n’ont pas mandaté Pachinian pour les représenter à la table des négociations, ils peuvent se joindre aux Azéris expulsés du Karabagh et, en tant que citoyens azerbaïdjanais, autoriser tous les résidents actuels et anciens du Karabagh. Cela signifie que la stratégie de Pachinian ne pourra permettre la présence de représentants du Karabagh. Cette position devient ainsi un obstacle au processus.
Dans toute cette rhétorique, les grandes puissances ont également indiqué des changements. Les analystes américains estiment que la politique de Moscou s’est déplacée vers Bakou, tandis que la Fondation Carnegie a révélé dans un communiqué que les États-Unis avaient décidé d’offrir une assistance généreuse à l’Arménie afin de consolider les bases du régime démocratique dans ce pays, un modèle pour les autres dirigeants autoritaires de la région. Si ce dernier commentaire est vrai, cela signifie que les États-Unis appliquent une politique de la carotte et du bâton à l’égard de l’Arménie. Tandis que le conseiller américain à la sécurité nationale, John Bolton, a averti l’Arménie de fermer ses frontières avec l’Iran, cette offre généreuse est une surprise, car non seulement l’Arménie n’a pas fermé sa frontière, mais elle a intensifié ses liens avec ce pays. Le récent voyage de Pachinian en Iran a été très important tant en apparence que sur le fond.

Comme symbole de la sympathie de Moscou, nous pouvons citer la participation d’une délégation parlementaire russe à la commémoration du « génocide de Khojalu » à Bakou, qui a été critiquée par le Président du Parlement, Ararat Mirzoyan, lors de son voyage officiel à Moscou.
Comme on peut le constater, la situation est toujours aussi instable dans la région, car les alliances et les antagonismes se modifient, sous l’effet de l’évolution des perspectives politiques.
L’Iran est resté attaché à une politique de stricte neutralité entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, mais cette fois-ci, Téhéran a offert un traitement sur tapis rouge au Premier ministre arménien.

Bakou surveillait attentivement chacun des mouvements de Pachinian en Iran et espérait que le Guide spirituel suprême de la République islamique, l’ayatollah Ali Khamenei, d’origine ethnique azérie, ne recevrait pas Pachinian. Ce dernier a néanmoins reçu le dirigeant arménien avec enthousiasme et a soutenu l’intensification des relations avec l’Arménie.
Lors de la visite de Pachinian en Iran, le Président Hassan Rouhani lui a proposé de servir de pays de transit pour acheminer le gaz iranien au nord. Une telle offre responsable n’aurait pas été faite avoir reçu le consentement de Moscou et de Tbilissi.
Dans ce domaine, l’Iran a proposé d’organiser une conférence avec les représentants de l’Arménie, de la Géorgie et de la Russie afin d’y discuter de la coopération entre les trois pays et des stratégies dans les domaines du gaz et de l’électricité.
L’Iran se méfie des relations de l’Azerbaïdjan avec l’Occident et Israël. Et comme la rhétorique de guerre du secrétaire d’État américain Mike Pompeo est de plus en plus vive, Téhéran se méfie du clan Aliev qui utilise l’Azerbaïdjan comme rampe de lancement pour une invasion de l’Iran.
Cette crainte s’est exprimée dans un discours prononcé récemment par un président réticent, M. Rouhani, à l’occasion du 40e anniversaire de la révolution islamique. Évoquant le démembrement territorial de l’Iran dans l’histoire, il a mentionné le fait qu’une partie de son territoire a été usurpé il y a 191 ans. Il s’agissait du Traité de Turkmanchaï, aux termes duquel l’Iran a perdu un territoire qui comprenait la République d’Azerbaïdjan. Normalement, les revendications sont inversées. Bakou revendique le nord de l’Azerbaïdjan, qui fait partie de l’Iran. La référence était très symbolique.

Après l’Iran, Pachinian s’est rendu à Bruxelles pour améliorer ses relations avec l’Union européenne. L’Arménie exerce une politique multi-vectorielle.
L’Arménie et l’Azerbaïdjan jouent ainsi à un jeu politique semblable à un concours de popularité, avant de se rencontrer.
Comme nous pouvons le constater, il existe un réseau d’intérêts croisés et de politiques contradictoires qui ont un impact direct et indirect sur les négociations du conflit du Karabagh. On ne sait pas encore quand le sommet Pachinian – Aliev pourrait avoir lieu, mais il est certain que tous les développements mentionnés ci-dessus vont interagir et influer sur le résultat de ces négociations. Edmond Y. Azadian

 

Traduction N.P.