Un entretien avec l’ambassadrice américaine Kvien

Écrit en anglais par Souren Sargissian et publié dans The Armenian Mirror-Spectator en date du 14 avril 2024

 

Il y a quelques jours, le 10 avril, l’ambassadrice américaine en Arménie Kristina Kvien a donné une entrevue à la station de radio Azadoutioun (Radio Free Europe/Radio Liberty), abordant divers aspects clés des relations américano-arméniennes et de la politique étrangère américaine dans la région du Caucase du Sud et l’Arménie. L’entretien, d’une durée de 22 minutes seulement, a été menée avec professionnalisme par la journaliste Hegine Buniatian.

L’ambassadrice a répondu aux questions avec sincérité, présentant clairement les positions pragmatiques de l’administration sur les questions clés. Bien entendu, être diplomate nécessite une extrême prudence dans la sélection de chaque mot lors des entretiens et des discours, contrairement aux politologues qui n’ont pas les mêmes contraintes diplomatiques. Il est donc crucial de comprendre le message que l’ambassadrice Kvien transmettait véritablement au public arménien.

Il convient de noter qu’avant cet entretien, qui représente la position officielle du gouvernement américain, des médias et des groupes de réflexion occidentaux avaient déjà publié des articles et des études mettant de l’avant des points très similaires sur le sujet. L’Occident ne veut absolument pas que l’Arménie attende plus que ce qu’elle est en mesure d’offrir, y compris des garanties de sécurité.

Auparavant, le groupe de réflexion RAND Corporation, basé à Washington, a publié une étude intitulée « Les États-Unis ne peuvent pas garantir la sécurité de l’Arménie, malgré les menaces de l’Azerbaïdjan, mais ils peuvent aider », soulignant l’importance pour l’Arménie d’améliorer ses liens avec la Russie. La position de l’ambassadrice reflète fidèlement les sentiments exprimés dans un article de RAND et Politico intitulé « Le rêve européen de l’Arménie fait face à un grand obstacle : l’armée russe ».

L’un des principaux points à retenir pour moi est la réticence de Washington à offrir à l’Arménie d’autres garanties de sécurité contre une éventuelle intervention ou agression de l’Azerbaïdjan. L’ambassadeur a souligné les efforts américains afin de promouvoir la paix, mais a reconnu l’absence de mécanismes efficaces pour demander des comptes à l’Azerbaïdjan. Cela indique qu’il est peu probable que les États-Unis défendent l’Arménie en cas d’attaque, excluant le déploiement de troupes ou la vente d’armes, comme cela est parfois discuté en Arménie.

Comme je l’ai noté précédemment, les États-Unis ont montré peu d’intérêt à établir une présence dans la région du Caucase du Sud, s’abstenant notamment d’établir des bases militaires en Géorgie malgré une coopération étroite en matière de sécurité. En outre, les États-Unis visent à éviter de contrarier l’Iran et la Russie, compte tenu de la présence d’une base militaire russe en Arménie et de la frontière mutuelle entre l’Arménie et l’Iran.

Un autre point crucial à retenir est que les États-Unis ne tiendront pas Aliev pour responsable de ses actions envers le peuple de l’Artsakh. Il est clair que les États-Unis ne lui imposeront aucune sanction, car l’Azerbaïdjan revêt pour les États-Unis une importance égale à celle de l’Arménie. En outre, les États-Unis n’ont pas encore qualifié les événements d’Artsakh de nettoyage ethnique. Ce manque de reconnaissance permet à Aliev de poursuivre sa politique, même la plus agressive, avec un sentiment d’aisance. À cet égard, la communauté arménienne aux États-Unis peut jouer un rôle essentiel en collaborant avec le Congrès pour plaider en faveur de la responsabilisation d’Aliev et en exhortant le gouvernement américain à identifier avec précision la situation.

Mon impression de cet entretien démontrait que Washington n’encourage pas la détérioration des relations arméno-russes, car il ne serait pas en mesure d’offrir quoi que ce soit en cas d’éventuelle réaction de la Russie. Comme l’a révélé l’entrevue, l’ambassadeur a déclaré que l’Arménie peut avoir n’importe quel médiateur pour le processus de paix, ce qui serait bénéfique pour Washington, même si le médiateur ne sont pas les États-Unis eux-mêmes. Il est clair que, si ce n’est l’Occident, seul Moscou peut être ce médiateur, négociateur potentiel entre Erévan et Bakou.

 

Traduction N.P.