L’Arménie s’apprête à céder quatre villages à l’Azerbaïdjan

Le Premier ministre arménien reconnaît qu’il ne peut fournir la garantie que Bakou ne réclamera pas d’autres territoires situés en Arménie. De son côté, l’Otan encourage la signature d’un traité de paix entre les deux pays. L’opposition arménienne est furieuse.

Le 18 mars, le Premier ministre d’Arménie, Nikol Pachinian, s’est rendu dans le village de Voskepar, dans la région arménienne de Tavouch (dans le nord-est du pays), pour y rencontrer les habitants, mais aussi ceux de Baganis et de Voskevan, et leur annoncer que quatre bourgs situés dans cette région frontalière devaient « être cédés à l’Azerbaïdjan, faute de quoi Bakou déclencherait une guerre », rapport le journal arménien Golos Armenii.

Après s’être emparé du Haut-Karabagh à l’issue de deux guerres menées en 2020 et en 2023, Bakou estime que huit villages situés en territoire arménien doivent lui revenir. Le règlement de la question des villages litigieux est déterminant dans le processus de définition d’un tracé de la frontière entre les deux pays. Les cartes soviétiques, sur lesquelles Erévan souhaite s’appuyer pour la délimitation, indiquent que ces villages appartenaient à l’Azerbaïdjan.

Les habitants ont interpellé le Premier ministre arménien sur les « garanties » qu’il pouvait fournir sur une question : après la cession de ces villages, l’Azerbaïdjan n’empiétera-t-il pas à nouveau sur la frontière et ne déclenchera-t-il pas une nouvelle guerre ? Ce à quoi Nikol Pachinian a répondu, poursuit le titre d’Erévan, qu’il n’y avait « pas de garanties », seulement un « espoir ».

Quand les villageois lui ont rappelé que « trente et un villages arméniens [étaient] actuellement occupés par les forces armées azerbaïdjanaises », Nikol Pachinian a déclaré qu’il y avait trois options les concernant : « les rendre, ne pas les rendre, se battre contre l’Azerbaïdjan, auquel cas la Turquie entrerait en guerre aux côtés de l’Azerbaïdjan », poursuit Golos Armenii.

Pour l’Otan, il est temps de signer un traité de paix

Le même jour, le Premier ministre arménien a reçu la visite du secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, en tournée dans le Caucase du Sud, qui a déclaré : « L’Otan soutient la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Arménie ainsi que ses aspirations à la paix ». Avant de rappeler, comme le rapporte le journal de Moscou Nezavissimaïa Gazeta, que « seule la signature d’un traité avec l’Azerbaïdjan [assurerait] une paix durable pour les peuples des deux pays ».

Le lendemain, Nikol Pachinian affirmait à la télévision nationale que « le processus de délimitation et de démarcation » de la frontière entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan entrait dans sa « phase pratique », « ce qui signifie que le temps est venu d’en préciser le tracé », relaie le journal russe Komsomolskaïa Pravda. Une déclaration que le site russe proche du Kremlin Vzaliad interprète comme le signe que le Premier ministre arménien entame une nouvelle « reddition ». Si de telles rétrocessions avaient lieu, l’Arménie resterait sans liaison terrestre stratégique avec la Géorgie et, même si « une route de contournement » était construite, comme l’a promis Nikol Pachinian aux villageois, « une fois ces positions perdues, l’Azerbaïdjan demanderait [à l’Arménie] l’abandon d’autres villages, et cette annexion pourrait également être formalisée sous le couvert [d’un accord sur] la délimitation des frontières », analyse Vzgliad.

Sur le site Russia Armenia Info, l’ancien défenseur des droits humains Arman Tatoyan alerte sur le risque de voir de « nouvelles personnes déplacées » ou « privées de la possibilité de se déplacer librement en toute sécurité ». De potentiels migrants qui ne pourront plus « utiliser les pâturages, les terres arables, les champs de foin et les vergers ».

« Qui êtes-vous : le Premier ministre arménien ou un agent immobilier azerbaïdjanais ? » a lancé à Nikol Pachinian, Levon Kotcharian, député de l’opposition, fils du deuxième président de l’Arménie, Robert Kotcharian, le 20 mars, lors de débats au Parlement, relaie le site arménien Verelq.

Alda Engoian

Courrier international 21 mars 2024